France: Jour de protestations contre l'état d'urgence
Plusieurs dizaines de manifestations sont prévues samedi à Paris et en province. Dans Le Monde, le premier à avoir réussi à contester son assignation à résidence lance un cri d'alerte et met en garde contre une lutte antiterroriste qui «déshumanise».
Mobilisation contre l'état d'urgence. Plusieurs dizaines de manifestations sont prévues samedi à Paris et en province pour dénoncer le projet de déchéance de nationalité et l'état d'urgence, alors qu'un projet de loi le prolongeant sera examiné dans les jours qui viennent au Parlement.
Outre le défilé parisien, de la place de la République au Palais-Royal, des manifestations doivent avoir lieu dans les principales villes de France, à l'appel des collectifs «Nous ne céderons pas» et «Stop état d'urgence», qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU, Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement, Droits devant, MRAP) et des organisations de défense des droits de l'homme (FIDH).
Ces organisations demandent la levée immédiate de l'état d'urgence, instauré après les attentats de novembre 2015, et l'abandon du projet de déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour des activités terroristes, «des mesures qui heurtent et mettent à mal nos libertés au nom d'une hypothétique sécurité», selon un communiqué des collectifs. «L'état d'urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en oeuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l'exercice de la citoyenneté et le débat public», jugent les collectifs, pour qui «depuis 1986, les lois accordant plus de pouvoirs aux forces de l'ordre, organisant une justice d'exception et restreignant nos libertés, au prétexte de lutter contre le terrorisme, s'empilent».
«L'état doit veiller à ne pas se faire des ennemis dans son propre camp»
C'est le même cri d'alerte que lance dans Le Monde Halim Abdelmalek. Ce cogérant de société a été le premier à réussir, il y a dix jours, à faire lever sa mesure d'assignation à résidence depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence. Accusé à tort d'avoir fait du repérage aux alentours du domicile d'un journaliste de Charlie Hebdo, il décrit un quotidien fait d'humiliations: les «heures de garde à vue» pour rien, le regard de ces proches, le climat de suspicion entourant sa pratique religieuse et la difficile tâche de préparer sa défense en ne pouvant sortir de son domicile.
Ce père de famille «lance un cri» citoyen contre les «conséquences de ces décisions arbitraires». «De telles sentences peuvent nous monter les uns contre les autres. Mon attachement aux valeurs de la France est encore plus fort, je n'en veux à personne mais j'ai peur», souligne Halim Abdelmalek, «Tout le monde n'a pas la force de résister. J'ai peur pour ces milliers de jeunes que [ces assignations] ont pour effet de stigmatiser».
Et d'insister: «L'état doit veiller à ne pas se faire d'ennemi dans son propre camp, à faire de l'immigré et du musulman un bouc-émissaire (…) Lutter contre le terrorisme n'est pas tout, évitons de nous déshumaniser.»
La nouvelle prolongation de l'état d'urgence, jusqu'à fin mai, sera débattue et votée le 9 février au Sénat, puis le 16 février à l'Assemblée nationale.
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