La démission de Rebsamen vire au boulet pour Hollande

La démission de Rebsamen vire au boulet pour Hollande

Le remplacement du ministre du Travail, redevenu maire de Dijon, est un vrai casse-tête politique pour François hollande et Manuel Valls.


 

Ils s’en seraient bien passé. Mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, François Rebsamen remettra sa démission du gouvernement à François Hollande et Manuel Valls. Après plus d’un an passé au Travail, ce proche du Président a choisi de retourner à l’hôtel de ville de Dijon pour reprendre son poste de maire laissé vacant depuis la mort, en juillet, de son successeur Alain Millot. A première vue, trouver un remplaçant rue de Grenelle ne devrait pas poser de problème. Mais entre la crise agricole qui dure, des résultats économiques décevants et une aile gauche prête à reprendre sa guérilla parlementaire sur le prochain budget, le choix du successeur de Rebsamen s’annonce plus compliqué.

QUEL TIMING ?

Selon l’Elysée, «ça va aller vite». La seule chose certaine et annoncée est le jour de la démission de François Rebsamen : mercredi, à l’issue du Conseil des ministres de rentrée. Mais dans l’entourage du ministre du Travail, on ne s’attend pas à faire ses cartons illico : «Il partira quand on lui dira de partir.» Autrement dit : tant que sa démission n’est pas formellement acceptée par le président de la République et que son successeur n’est pas nommé, le maire de Dijon continuera à expédier les affaires courantes à son ministère. D’ailleurs, le ministre a prévu d’être sur le pont (télés, radios…) la semaine prochaine pour l’annonce mensuelle des chiffres du chômage.

Du coup, malgré le «délai court» promis par l’Elysée, au ministère du Travail on s’attend à ce que le remplacement ait lieu début septembre, après la rentrée des socialistes lors de leur traditionnelle université d’été à La Rochelle (du 28 au 30 août).  Le scénario est risqué pour l’exécutif : comment laisser dix jours à son poste un ministre démissionnaire quand tout le monde sait depuis plus d’un mois qu’il va falloir le remplacer à la rentrée ? Qui plus est lorsqu’il s’agit du membre du gouvernement ayant pour mission de lutter contre la hausse du chômage, la «priorité» martelée par le chef de l’Etat. La droite et la gauche radicale s’en donneront à cœur joie contre Hollande… 

QUELLE AMPLEUR ?

La question revient à chaque changement au sein d’un gouvernement : vaste remaniement politique ou simple ajustement technique ? Jusqu’à présent, François Hollande avait en tête d’attendre les résultats des élections régionales des 6 et 13 décembre prochains pour effectuer le dernier chambardement de son quinquennat. L’objectif : rassembler la gauche –écologistes, amis de Martine Aubry, voire les plus à gauche du PS– au sein de son gouvernement afin d’attaquer la préparation de la présidentielle de 2017. Mais ça, c’était avant la démission de Rebsamen. 

Forcément, ce remaniement non prévu laisse libre cours aux pronostics des dirigeants socialistes. Un proche de Manuel Valls a le «sentiment» que «ça va remanier plus large», simple «intuition». Selon l’entourage de Rebsamen, le couple exécutif n’a pas tranché. D’autant qu’Hollande pourrait aussi attendre la déclaration de candidature, a priori mi-septembre, de son ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, prêt à mener les socialistes en Bretagne pour effectuer de plus grands changements. A l’Elysée, on assure que la composition du gouvernement ne sera pas chamboulée à la rentrée, tout en soulignant que seul Hollande «sait ce qui peut se passer».

QUEL SIGNAL ?

 François Rebsamen a défini lui-même la fiche de poste de son successeur : «Cette fonction réclame d’être en contact permanent et en totale harmonie avec l’Elysée et Matignon», a-t-il déclaré la semaine dernière dans le Parisien. D’aucuns y ont vu le profil de l’actuel ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, fidèle d’entre les fidèles de François Hollande. En plus de mettre un très proche en première ligne dans la lutte contre le chômage –et donc récolter les lauriers d’une hypothétique baisse en 2016– sa nomination rue de Grenelle pourrait permettre de faire entrer à l’Agriculture l’ex-ministre de l’Ecologie, Philippe Martin, ou le patron des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet. Problème : Le Foll est englué depuis des semaines dans la crise porcine. Son exfiltration ne serait pas glorieuse et il arriverait rue de Grenelle lesté d’un lourd handicap. «Il n’est pas question qu’il déserte, veut croire un socialiste qui l’a eu récemment au téléphone. Hollande ne peut pas se permettre d’offrir la tête de son ami aux agriculteurs et à la droite.» 

Si ce n’est pas Le Foll, alors qui ? Hollande pourrait se saisir de cette nomination pour envoyer un signal à sa gauche. Dans ce cas, il a toujours l’option Jean-Marc Germain à portée de main. Proche de Martine Aubry, le député PS connaît bien la rue de Grenelle pour y avoir accompagné la future maire de Lille du temps de Jospin. «Ce serait le meilleur choix, défend le député de la Nièvre, Christian Paul. Mais cela voudrait dire prendre ce ministère au sérieux.» Le député des Hauts-de-Seine est aussi spécialiste des questions sociales –il a été rapporteur parlementaire de la loi sur «la sécurisation de l’emploi» en 2012– et rêve de porter son idée de «sécurité sociale professionnelle». Mais si sa nomination plairait aux plus à gauche de son parti, elle serait mal vue par les députés légitimistes car considérée comme une «prime à la fronde». 

Autre solution évoquée : Alain Vidalies. L’actuel secrétaire d’Etat aux Transports, précédemment en charge des Relations avec le Parlement, présente l’avantage d’envoyer un signe «social» –il est avocat spécialisé en droit du travail et vient de l’aile gauche du PS– et de «fidélité» –depuis 2012, on ne l’a jamais pris en défaut de critique de la ligne portée par Hollande et Valls. Mais ses camarades n’y croient pas tellement. «Il ne s’est pas montré très brillant sur la question des transports et je ne vois pas pourquoi, après le lui avoir refusé deux fois, Hollande et Valls lui donneraient le Travail», balance un député. Chez Rebsamen, on trouve carrément l’idée«farfelue». Le nom du patron des députés PS, Bruno Le Roux, revient aussi. Mais l’élu de Seine-Saint-Denis se rêve davantage remplacer le Drian à la Défense. Et sa nomination viendrait rebattre les cartes à l’intérieur du groupe à l’Assemblée, pas vraiment malin à quelques semaines des débats budgétaires… Nommer un poids plume bourguignon –Laurent Grandguillaume, Christophe Sirugue… – ne semble pas non plus une option privilégiée par l’exécutif. Comme le dit un député, «Rebs' leur a vraiment fait un coup tordu».