LES CAFÉS TUNISIENS : Un refuge pour les ratés

LES CAFÉS TUNISIENS : Un refuge pour les ratés

Dans les quartiers de nos villes, une faune étrange s’agite dans l’ombre. Il y a les trafiquants, les voleurs, les prédicateurs, les parieurs, les escrocs… Parmi ceux là, il y a une race de personnages antipathiques toujours assis dans des cafés de seconde classe. Les Tunisiens les appellent ''Sabbabas'' (indics ou mouchards). Ils ne travaillent pas, ne font pas de commerce, ne bougent même pas de leur chaise, qui leur est souvent réservée !


A longueur de journée, ils écoutent ce qui se dit autour d’eux afin d’en profiter de manière plus ou moins légale. Certains détectent les voitures mal garées ou en double file, pour appeler la grue de remorquage municipale, qui est gérée par des privés. Une ''sabba'' qui leur rapporte quelques Dinars pour chaque voiture dénoncée !

Il y a aussi les escrocs professionnels, toujours à l’affût d’une arnaque, d’un ''afar '', d’une malversation qui les conduit parfois en prison. Ils jouent au tiercé où ils gagnent rarement, mais ils restent optimistes, convaincus qu’un jour la chance leur sourira et qu’ils deviendront riches. Une fois leur petit pécule perdu, ils vont passer la journée à demander aux clients de passage une cigarette ou un peu d’argent pour acheter un casse-croûte.

D’autres, assis aux terrasses de cafés tentent de gagner un peu d’argent en jouant les '' Samsar '', ces intermédiaires autoproclamés pour l’achat de terrains ou la location de maisons. Sauf qu’avec la concurrence des agences immobilières et les petites annonces sur internet, ces petits intermédiaires n’ont plus beaucoup de clients à arnaquer.

Il y a des retraités qui dégustent en silence un café froid. Leur drame c’est qu’ils n’ont rien à faire de leur journée. Leurs femmes ne supportent pas qu’ils restent à la maison, car ils veulent donner leur avis sur ce qui se passe en cuisine, alors elles les renvoient au café du coin pour rester tranquilles. Là ils vont passer de longues heures à discuter entre vieux. Ils critiquent les passants, regrettent le temps jadis où tout était mieux. Le plus drôle, c’est qu’ils respectent les horaires administratifs pour rentrer chez eux !

La plupart de ces individus sont des parasites qui vivent dans un monde d’illusions et de chimères. Comment on peut passer toute une vie à ne rien faire, à regarder passer les passantes, à se rincer l’œil sur les jeunes filles, allant jusqu’à commenter leurs formes généreuses en des termes vulgaires ? Le pire c’est que ces chômeurs chroniques ne trouveront pas de travail de si tôt, car ils ne savent rien faire de leurs mains, ni de leur tête d’ailleurs.

Si certains trouvent que les heures et les jours passent trop vite, qu’ils sont toujours pressés, stressés, face à l’accélération des années et à la fuite du temps, ces clients affalés devant un café froid, eux, passent toute une vie à ne rien faire dans ces lieux de perte de temps, de perte de vie.

Et dire que certains osent prétendre que la Tunisie est en marche. En marche arrière, oui !

Rachid Fazaâ