‘’J’ai opéré ma propre mère’’, Ghaith Oueslati raconte

‘’J’ai opéré ma propre mère’’, Ghaith Oueslati raconte

Inédites et l’initiative du fils et l’expérience vécue de la maman. Il est Tunisien, encore, étudiant en médecine et a bousculé ‘’des habitudes’’, peut-être même plus, des règles.


Ghaith Oueslati, puisqu’il s’agit de lui, a pris part à une opération de sa mère, sous la supervision de son enseignant et encadreur, au sein du service d’oncologie, à l’hôpital Abderrahmen Mami, de l’Ariana.

En temps normal, il est strictement interdit à un membre d’une même famille, même s’il est un médecin confirmé, de participer à un acte chirurgical sur un autre membre.

Il parait que Ghaith est passé outre les consignes, surtout que la patiente en question s’avère être sa mère. Le web s’est emparé de l’événement et salué le courage et l’audace de l’’’apprenti-médecin’’, qui était solidement soutenu par son professeur et encadreur.

Ghaith Oueslati a révélé les détails de son ‘’aventure’’, sur sa page Facebook et voilà ce qu’il a dit à ce propos, et avec ses propres mots :

‘’ Partout dans le monde, il est moralement déconseillé qu'un médecin -aussi compétent qu'il soit- engage dans une la prise en charge directe surtout chirurgicale d'un membre de sa famille, voire celle d'un parent. La raison est claire : Quand ce type particulier de personne est allongé au lit du malade, la perception objective du médecin vis à vis du ‘’patient’’ sera quasi-impossible. C'est là que les facteurs subjectifs prennent le dessus, brouillant ainsi le jugement du praticien et perturbant tout geste et toute intention.

Sachant tout ceci et surtout découragé par plusieurs personnes à procéder à ce geste, mon avidité de savoir et surtout mon amour inestimable pour la dénommée Basma Oueslati m'ont poussé à prendre mon courage à deux mains pour réaliser cette intervention moi même.

Entre les ‘’Tu ne pourras jamais le faire c'est inconcevable’’ et les ‘’Quelqu'un d'autre pourrait le faire à ta place ‘’. J'ai insisté à réclamer cet immense honneur qu'est la restauration du bon état de santé de ma mère, qui jusque là demeurait un rêve d'enfance, une vision classique entendue dans les rigolades familiales : J'espère qu'un jour fiston, tu deviendras un médecin et tu me soigneras ! Sans oublier le fameux 'Gratuitement' Tunisien bien sûr.

Ayant parlé de cette initiative à mon cher encadreur, le professeur Hamouda Boussen, à qui je dédie avant tout le monde ces petits mots que je rédige.

Il m'a répondu par une seule question : Tu te sens capable ? Alors commençons. Il a été là tout au long de chemin, depuis les toutes premières observations que j'ai témoigné pour me familiariser avec l'opération, pendant les premières tentatives assistées, jusqu'au jour ou il a supervisé la récolte du fruit final de ses labeurs.

Un pédagogue sans pareil, dans des temps ou on en manque et on en perds malheureusement. L'instructeur qui croit tellement en l'implication pratique précoce des aspirants médecins qu'il vivifie la flamme de l'apprentissage chez les étudiants les plus nerveux et les plus désintéressés sans distinction.

En toute honnêteté, au début j'avais cru qu'en tenant la lame pour inciser la chair de la femme qui m'a mis au monde je serai en doute, tremblant, dominé par l'hésitation d'annuler et d'abandonner. Mais à ma grande surprise, ce fût l'inverse : En réalisant le simple fait qu'il faut ouvrir pour guérir, couper pour soigner, tout se dissipe et c'est réussi. L'opération n'étant pas aussi énorme que ça, mais a été la raison derrière une chose qui elle est énorme : C'est au cours de ce voyage académique que j'ai découvert une certitude personnelle, une passion pour la chirurgie amorcée par cet acte aussi banal qu'il peut sembler. Encore plus énorme, dieu m'a offert la chance d'égaliser d'anciens scores d'enfance que j'avais avec ma bonne mère concernant le millier de raclées qu'elle m'a si bienveillamment donné, que ce soit avec ceinture ou chaussure, toujours aussi bien méritées les unes que les autres. C'est elle qui a dit :"يا غيث جاء النهار إلي جيت فيه بن يديك بش تجزرني كما تحب".

On est quitte, et je suis très content que tu ailles mieux

Mes très chers confrères et consœurs, impliquez vous activement dans votre formation lors de ce cursus plus pratique que tout autre. Le savoir on ne vous le donnera pas, il vous faudra tendre la main et le saisir. Si j'ai osé apprendre et risquer sur ma propre mère. Comment se permet l'externe de refuser de toucher les malades totalement inconnus pour s'instruire et pour former un jour à lui même une nouvelle génération de médecins? Tout ceci seulement par peur d'une éventuelle complication ou erreur. Un médecin qui n'a jamais fait d'erreur est un grand menteur : J'emprunte cette citation au même médecin que j'éloge et qui me l'a sortie quand j'ai montré des malhabilités attendues lors des premières opérations et quand il a vu que ça allait me décourager pour continuer la suite.

Un grand merci au géant de l'oncologie médicale : Le Professeur Hamouda Boussen. L'ennemi numéro 1 de la maladie cancéreuse en Tunisie, et un instructeur hors-norme.

Mes hommages au Service Oncologie Medicale, Hopital Abdel Rahmen Mami Ariana, pour la bienveillance et le professionnalisme de son équipe tellement unique.

Et cerise sur le gâteau : La femme derrière tous mes succès : Basma Oueslati, je t'aime beaucoup maman et je te souhaite une très longue et joyeuse vie à nos cotés''.

Ghaith Oueslati. Etudiant médecin en 3ème année