Ingérence en Libye: Ce qu’il faut retenir de la plénière marathon

Ingérence en Libye: Ce qu’il faut retenir de la plénière marathon
La plénière, débutée mercredi, et consacrée à l’examen d’un projet de Déclaration sur le refus de la Tunisie de toute ingérence étrangère en Libye et du rôle de la diplomatie parlementaire a fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause, tout au long de la journée et jusqu’à la matinée du jeudi, la tension était palpable sous la coupole de l’Assemblée des représentants du peuple.

Voici ce qu’il faut retenir.

 

Retard à l’allumage

 

Mercredi matin, la plénière a été tendue et le débat de fond retardé. En effet, plusieurs députés ont soulevé des points d’ordres réclamant une prolongation du temps de débat, initialement de 3 heures, jugé trop court pour un tel sujet. Après plusieurs interruptions de séances, permettant au bureau de l’ARP mais aussi aux différents blocs politiques d’arrêter leurs positions, les députés ont voté pour allonger la durée de la plénière de 4 heures, deux heures pour l’examen d’un projet de Déclaration sur le refus de la Tunisie de toute ingérence étrangère en Libye et 2 heures pour le rôle de la diplomatie parlementaire.

 

En parallèle, plusieurs députés avaient fustigé l’ordre du jour discuté en plénière et notamment la présentation du Parti Destourien Libre d’une motion visant à rejeter “l’ingérence étrangère en Libye et la création d’une base logistique sur le territoire tunisien pour la faciliter”. Cette motion avait été déposée le 04 mai dernier par le PDL après notamment la polémique créée par les contacts entre le président de l’ARP Rached Ghannouchi et le Président du Conseil présidentiel libyen Fayez El Sarraj, estimant que celui-ci avait dépassé ses prérogatives et pris positions dans un conflit dans lequel la Tunisie se devait d’être neutre, empiétant ainsi sur les prérogatives du président de la République.

 

L’explication n’aura pas eu lieu

 

Alors que plusieurs députés s’attendaient à ce que le président de l’ARP s’explique, cette explication n’aura jamais lieu malgré la demande des députés à Rached Ghannouchi de présider l’ensemble de la séance et de ne pas la quitter. Cette demande a notamment émané du député indépendant Safi Said ou encore du député du PDL MajdiBoudhina, mais aussi du député de QalbTounes, OussemaKhlifi, qui a affirmé lors d’une conférence de presse tenue à l’ARP, s’attendre à des explications de Rached Ghannouchi, ajoutant réfléchir sur la possibilité de lui retirer sa confiance si les intérêts de la Tunisie ont été menacés.

 

Même s’il est resté jusqu’au bout de la séance, le président de l’ARP a préféré ne pas répondre directement à ce qui lui était reproché. Il a affirmé en clôture de séance avoir « accueilli positivement les critiques qu’il considère comme des conseils ».

 

Le PDL perd mais gagne…

 

Si d’un avis quasi-unanime, l’ingérence en Libye a été refusée par la plupart des députés, la motiondéposée par le bloc du PDL et sa présidente AbirMoussi a suscité des débats houleux.

 

Si certains députés ont rappelé la politique étrangère tunisienne d’être à égale distance de l’ensemble des intervenants et devait faire de la Tunisie un facilitateur dans ce dialogue inter-libyen comme l’ont rappelé Mehdi Ben Gharbi du bloc TahyaTounes et SadokGahbich du bloc de la Réforme Nationale, d’autres se sont attaqués au contenu de la motion présentée estimant qu’elle prenait position pour une partie au conflit libyen à savoir le Maréchal Khalifa Haftar.

 

Telle a été la position du député d’Ennahdha Samir Dilou ou encore de celui d’Al KaramaYosri Dali, reprochant à la motion présentée d’évoquer l’ingérence de certains pays comme le Qatar et la Turquie et d’omettre celle de la France, de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte…

Quant aux députés du parti QalbTounes, ils ont quant à eux appelé le PDL à retirer les noms des pays cités dans sa motion pour éventuellement voter pour. Cela avait été appuyé par une conférence de presse donnée dans la journée par le député OussemaKhlifi.

 

Face à cette demande, le PDL a modifié sa motion et enlevé les noms des pays cités dans le document présenté.

 

Après plusieurs heures de discussions, celle-ci a été soumise au vote et a été rejetée. Elle a obtienu 94 voix pour, 68 voix contre et 7 abstentions alors qu’elle devait en obtenir 109 voix pour être adoptée.

 

Cependant malgré le rejet de la motion, le parti présidé par AbirMoussi remporte une bataille politique au sein de l’Assemblée. Parti d’opposition et comptant seulement 16 députés, il aura réussi à poser un débat politique majeur sous la coupole de l’ARP.

 

Une nouvelle motion bientôt présentée ?

 

Décriée par les suiveurs de la scène politique, le Courant démocrate (Attayar) et son bloc parlementaire « le groupe démocratique », qui s’est abstenu de voter sur la motion présentée par le PDL, présentera bientôt une nouvelle motion « dénonçant toute ingérence ou intervention militaire en Libye » a assuré le président du bloc, Hichem Ajbouni dans une déclaration accordée à la TAP.

 

Interrogé sur les raisons de l’abstention des députés d’Attayar, ce dernier affirme que le paragraphe ajouté dans la motion faisant référence à la résolution adoptée par le Parlement arabe en janvier dernier, ne dénonçant pas l’intervention militaire turque en Libye avait convaincu les députés de ne pas voter pour.

 

Reprochant au PDL d’avoir refusé une approche consensuelle dans sa motion, Ajbouni estime que celui-ci avait pour objectif de remporter une bataille politique.

 

Son bloc parlementaire présentera bientôt, une motion qui « sera en conformité avec la position officielle de la Tunisie » et qui dénoncera toutes les ingérences étrangères en Libye « sans exception » a-t-il conclu.