Alaa Marzougi : « Les femmes, premières victimes des problèmes de l’accès à l’eau potable en milieu rural »

Alaa Marzougi : « Les femmes, premières victimes des problèmes de l’accès à l’eau potable en milieu rural »
Alaa Marzougi, coordinateur de l’Observatoire tunisien de l’eau a dénoncé que les problèmes de l’accès à l’eau potable dans le milieu rural ou dans des zones semi-rurales incombent directement aux femmes, qui gardent la responsabilité exclusive de la tâche d’approvisionnement en eau.

Dans un livret intitulé « L’eau. Promesse d’émancipation », publié par l’Agence Française de Développement, Marzougi estime que les traditions et les mentalités qui prédominent dans ces milieux font que la femme est en première ligne en matière d’utilisation de l’eau au niveau domestique.

Les femmes et les filles issues de ces milieux ruraux qui doivent parcourir des kilomètres sont souvent confrontées à des conditions pénibles pour s’approvisionner en eau, dont des problèmes de harcèlement voire de viol.

« Cette tâche qui nécessite de longues heures peut être assimilée à une activité quasi-professionnelle mais elle n’est pas rémunérée », observe-t-il.

« Cette situation est réellement difficile pour les femmes alors que le droit à l’eau est garanti par la constitution tunisienne ainsi que par les conventions et les traités internationaux ratifiés par la Tunisie ». Il a, dans ce sens, estimé que l’accès à l’eau potable à domicile, en quantité et qualité suffisantes, est le seul garant pour protéger ces femmes des phénomènes sociaux nocifs précités et pour leur garantir une vie décente avec un minimum de bien-être.

Kamel Homrani, responsable de la cellule des GDA et d’Approvisionnement en Eau Potable au CRDA de l’Ariana, explique qu'il existe de sérieux problèmes au sein de plusieurs familles installées dans les zones périurbaines et rurales du Gouvernorat de l’Ariana.

Ces problèmes sont causés très souvent par les difficultés d’approvisionnement en eau potable. En effet, dans plusieurs cas, les familles achètent des terrains agricoles pour y bâtir leurs maisons sans se soucier des difficultés d’accès à l’eau potable.

Ces conditions pénibles fatiguent les femmes et se répercutent sur la cohésion de leur famille. Les femmes se retrouvent en effet, obligées de consacrer leur temps pour chercher et ramener l’eau potable à domicile, au lieu de l’investir dans une activité génératrice de revenue. Certaines décident donc de ne pas poursuivre ce rythme au quotidien et ont même préféré mettre fin à leur vie conjugale. Ces déchirements familiaux engendrent des situations socialement inconfortables. "

D'après ce livret, il existe en Tunisie un écart important entre les femmes et les hommes dans la répartition du temps alloué aux travaux domestiques. Les femmes consacrent en moyenne 77,6% de leur temps quotidien aux travaux domestiques non rémunérés alors les hommes n’y contribuent qu’à hauteur de 9,4%.

Autrement dit, les femmes consacrent 8 fois plus de temps que les hommes aux travaux domestiques au détriment d’un travail rémunéré, davantage valorisé par la société et synonyme d’autonomisation financière.

De son côté, Chahrazed Ben Salah, Médecin Principal de la Santé Publique de Tunis a pointé les maladies causées par la consommation d’eau de qualité non contrôlée, évoquant les cas d’hépatite A et E, la Fièvre typhoïde chez les enfants et d’autres infections dues au manque d’hygiène.

« En tant que médecin de santé publique, je constate toutefois que la femme rurale est de plus en plus consciente de ces problèmes sanitaires. Elle se montre toujours prête à protéger sa progéniture tout en s’émancipant elle-même » déclare-t-elle, saluant, à ce titre, les services de la santé publique en Tunisie et à l’éducation pour la santé en matière d’hygiène personnelle et familiale.

Houssem Mnasri, professeur de l’enseignement secondaire à Kasserine déplore également, le manque de contrôle de la qualité de l’eau au sein des établissements scolaires dans les zones rurales, indiquant, que cela a entraîné de nombreux cas de contamination à l’Hépatite A en 2017 dans une école, à cause de l’état de ces citernes.

« Ces maladies d’origine hydrique auxquelles nos élèves sont exposés accroissent leur absentéisme, ce qui leur engendre des difficultés d’apprentissage », a-t-il regretté.