Belgique : Près de 500 sans-papiers observent une grève de la faim depuis deux mois

Ce week-end, un ballet d’ambulances a défilé devant l’église du Béguinage, où plusieurs grévistes ont été évacuées sur des civières ou en chaise roulante.
Les grévistes, principalement des Marocains et des Algériens, observent cette grève de la faim revendiquant une régularisation collective après des années de séjour et de travail en Belgique dans des secteurs en manque de main d'œuvre comme le bâtiment, mais les discussions avec les autorités sont au point mort.
Alors que les présidents de partis de la majorité bruxelloise (PS, Ecolo, Groen) et le PTB ont demandé au Premier ministre d’intervenir dans ce dossier, le le secrétaire d’État a déclaré : « Il n’y aura pas de régularisation collective. L’occupation et la grève de la faim ne changeront pas les règles. Les sans-papiers sont invités à venir se renseigner individuellement sur leur dossier personnel ».
Ce conflit qui fait tanguer le gouvernement belge et dont s'est même saisi l'ONU a suscité de nombreuses réactions durant ces 60 jours, plusieurs manifestations, pétitions, déclarations de l’Église ou de collectifs ou d’organismes patronaux et syndicaux.
Deux rapporteurs spéciaux des Nations unies ont appelé l'exécutif dirigé par Alexander De Croo à prendre des mesures face aux risques de « violation des droits humains » auxquels sont exposés les 150 000 étrangers sans papiers recensés en Belgique.
Voici la lettre ouverte de la coordination de la campagne We Are Belgium Too, l’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation (USPR) et son comité des soutiens :
À Sa Majesté le Roi,
À l’heure où nous écrivons ces lignes, près de 500 personnes sans-papiers en sont à leur 57e jour de grève de la faim. Certaines parmi elles se sont cousues les lèvres, et une partie des grévistes a décidé d’entamer une grève de la soif ce vendredi 16 juillet. Personne ne survit plus de 3 jours à une grève de la soif : à l’heure où vous lirez ces lignes, nous craignons de devoir déplorer les premiers morts.
Alors qu’une solution légale, individualisée, négociable et compatible avec l’accord Vivaldi est sur la table du secrétaire d’État à l’asile et à la migration depuis 10 jours, les responsables politiques en charge se sont retranchés dans une inaction coupable.
Pourtant, de très nombreuses voix se sont élevées afin de soutenir les personnes sans-papiers. En témoignent la campagne nationale We Are Belgium Too, qui a récolté plus de 40.000 signataires en soutien à la régularisation des sans-papiers, les très nombreuses cartes blanches* parues ces derniers mois dans la presse qui ont rassemblé près de 500 personnalités représentant toutes les composantes de la société, et, dernièrement, des personnalités internationales et des eurodéputés* qui se sont indignés de l’absence d’ouverture de la part du gouvernement belge.
Le monde entier dénonce donc le silence assourdissant de certains de nos dirigeants face à la tragédie humaine en cours. C’est pourquoi, prenant acte de leur attitude coupable, nous avons décidé de nous tourner vers vous, à la veille du 21 juillet, jour de fête nationale.
Nous sommes bien conscients des limites constitutionnelles qui s’imposent à vous dans l’exercice du pouvoir politique. Cependant, nous sommes convaincus que votre parole et vos actes peuvent débloquer le bras de fer mortifère dans lequel s’est engagé le gouvernement belge avec des personnes qui ne demandent qu’à vivre dignement dans un pays qu’elles contribuent à construire.
En effet, permettre, à terme, d’inscrire des critères de régularisation clairs, objectifs et permanents dans la loi offrirait d’une part de la possibilité de mieux lutter contre le dumping social, en donnant des droits à des travailleurs qui sont déjà sur le territoire belge, qui ont un logement, un emploi, des compétences, contribuent à l’économie du pays et ne demandent qu’à payer leurs impôts.
D’autre part, cela permettrait de combler la pénurie d’emploi dans de nombreux secteurs. Rien qu’à Bruxelles, il existe actuellement 130.000 postes vacants – sans parler de la Wallonie et de la Flandre. Sans cette régularisation, les patrons continueront à embaucher de manière non déclarée. Or, cette pratique n’est bénéfique pour personne, tire tous les salaires vers le bas et enrichit toujours les plus riches.
De plus, régulariser les personnes sans-papiers permettra de compenser l’augmentation considérable du nombre de départs en pension enregistrés chaque année, dont le flux sera continu jusqu’en 2030.
Enfin, selon un calcul de la CSC, la régularisation rapporterait jusqu’à 65 millions d’euros nets par mois dans les caisses de la sécurité sociale. A contrario, les expulsions et la détention en centre fermé coûtent très cher à l’État.
Dès lors que les revendications des grévistes sont justes et légitimes, et qu’elles s’inscrivent dans l’intérêt de la société belge, nous espérons que la diplomatie et l’empathie dont vous avez maintes fois fait preuve, et encore dernièrement lors des inondations qui ont frappé la population, pourront amener la paix et le soulagement auprès des personnes qui n’ont plus eu d’autre choix que de se laisser mourir de faim et de soif pour retrouver leur dignité.
À cet effet, l’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation (USPR) serait prête à rouvrir les portes de l’église du Béguinage pour vous recevoir : une visite de Sa Majesté, accompagnée de Sa Majesté la Reine Mathilde, serait un geste fort apprécié par les grévistes et leurs soutiens.
Veuillez recevoir, Votre Majesté, nos sentiments respectueux et dévoués.
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