Un rapport du GAFI jette un nouvel éclairage sur l’épisode du blacklistage

Dans un rapport mis en ligne vendredi 23 février 2018 sur son site officiel, le Groupe d’action financière, le GAFI, a fait état d’une nouvelle liste européenne de pays concernés par le blanchiment de capitaux. Cette dernière placerait la Tunisie sur celle des « Etats à juridictions présentant des défaillances stratégiques ».
Le GAFI n’en salue pas moins les efforts de la Tunisie en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Sans pour autant la dispenser de figurer sur la liste récriminatoire en la matière avec l’Irak, l’Ethiopie, la Serbie, la Syrie, le Trinidad, le Yémen, le Vanuatu et le Sri Lanka.
En novembre 2017, la Tunisie avait pourtant fourni au GAFI « un engagement politique de haut niveau » à accroître l’efficience de son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et à remédier aux défaillances technique de son système en la matière.
Rapport occulté
Le gouvernement tunisien et les autres parties concernées n’ont jamais fait état du rapport du GAFI. La raison de ce mutisme officiel semblerait être la partie confirmant la version donnée par le gouverneur démissionnaire de la Banque Centrale de Tunisie à l’Assemblée des représentants du peuple mais démentie le lendemain par le porte-parole du gouvernement Iyed Dahmani. L’ensemble du rapport avait été passé sous silence, y compris son volet positif qui allait plus tard valoir à la Tunisie de figurer sur la « liste grise » et non plus sur « la liste noire » initiale votée par le Parlement européen.
Lors de son audition par la commission parlementaire des finances, Chedly Ayari avait dit détenir de 50 à 60 courriers adressés par la Commission nationale d’analyses financières au gouvernement, le pressant de s’employer à ce que la Tunisie ne fasse pas l’objet d’éventuels classements indésirables de la part de commissions financières internationales. La CTAF avait en même temps souligné que la Tunisie disposait bel et bien d’un arsenal législatif réprimant le blanchiment de capitaux mais que ce système manquait d’efficacité.
Dans sa conférence de presse tenue le lendemain 15 février 2018, Iyed Dahmani a nié que le gouvernement ait été alerté dans les termes prêtés à la CTAF, affirmant au contraire que les courriers reçus faisaient état d’appréciations élogieuses envers la Tunisie. « Nous avons bien reçu du président de la Commission tunisienne d’analyses financières (le gouverneur de la BCT es qualité : NDLR) un courrier selon lequel la déclaration finale du GAFI ne fera pas état du classement de la Tunisie sur la liste des pays à hauts risques. La CTAF a aussi affirmé, à la demande du gouvernement qui demandait des détails sur d’éventuels risques en la matière, que la Tunisie ne figurera pas sur la liste noire ».
Reconnaissance des efforts fournis mais sanctions quand même
Le rapport du GAFI admet d’autre part que « la Tunisie a réalisé des avancées en matière d’amélioration de son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme », faisant mention du décret-loi sur les sanctions financières en matière de lutte anti-terroriste, de la mobilisation de moyens de contrôle et de l’organisation de la formation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Le rapport invite en même temps les autorités tunisiennes à continuer d’œuvrer à remédier aux défaillances identifiées, sur la base de 5 points, à savoir parfaire la supervision de la lutte en la matière en fonction des risques dans le secteur financier avec intégration des professions non financières identifiées dans le système de lutte, maintenir actualisés en permanence les registres de commerce avec renforcement des sanctions en cas de violation des engagements, parfaire le système d’établissement de constats de transactions douteuses par la mise à disposition des ressources suffisantes, mettre en place un système de sanctions financières contre le financement du terrorisme et mettre en place de peines dissuasives concernant les armes de destruction massive.
Le Parlement européen avait, le 7 février 2018, voté par 357 voix (contre 283 et 26 abstentions), approuvé le classement de la Tunisie sur les listes des pays les plus exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.
Suivez Nous