L’exposition des banques aux entreprises publiques et la loi sur les chèques compliquent davantage l'accès aux crédits selon la Banque Mondiale

L’exposition des banques aux entreprises publiques et la loi sur les chèques compliquent davantage l'accès aux crédits selon la Banque Mondiale
L’exposition croissante des banques aux entreprises publiques (EP) et la récente refonte de l’utilisation des chèques bancaires pour les paiements exacerbent les contraintes qui pèsent sur le marché du crédit en Tunisie, souligne la Banque mondiale (BM) dans son dernier Bulletin de mise à jour économique consacré à la Tunisie, intitulé « une meilleure connectivité pour la croissance ».

Pour étayer ses propos, la BM a évoqué l’exemple de la Banque Nationale Agricole (BNA) qui «  a multiplié par trois ses crédits à l’Office des Céréales (OdC) entre 2019 et 2024 ».

Selon elle, ces crédits représentent désormais plus d’un tiers du stock global de crédits de la BNA, ce qui représente « un risque de concentration d’un emprunteur unique très important ».

De plus, ajoute-t-elle, la récente réglementation sur les chèques bancaires introduite en février 2025 semble avoir limité un important canal de crédit à court terme en Tunisie.

En visant à réduire les fraudes liées à l’utilisation des chèques, la réglementation a cherché à limiter les conditions dans lesquelles les chèques pouvaient être utilisés, ce qui est de nature à restreindre ainsi leur utilisation comme moyen de crédit à court terme, estime l’institution financière.

D’après elle, ces conditions sont de nature à amplifier les contraintes d’accès au crédit, qui sont déjà « particulièrement lourdes » pour les entreprises tunisiennes.

Pour renforcer l’accès au crédit, la BM a plaidé en faveur de la mise en place de certaines mesures proposées dans le plan d’urgence du gouvernement de 2022, telles que la facilitation de l’utilisation de biens mobiliers comme garantie. 

Selon le dernier Bulletin de mise à jour économique de la Banque mondiale pour la Tunisie, intitulé Une meilleure connectivité pour la croissance, l’économie tunisienne devrait enregistrer une croissance de 1,9 % en 2025, contre 1,4 % en 2024, portée par de meilleures précipitations et une stabilisation progressive dans les secteurs clés. Si le secteur manufacturier reste confronté à des difficultés, la résilience du tourisme et de l’agriculture soutient la reprise,

La croissance devrait se stabiliser autour de 1,6-1,7 % en 2026-2027. Bien que les incertitudes liées au commerce mondial et le financement extérieur limité puissent poser certains défis, une dynamique de réforme plus forte et une modération de l’incertitude liée au commerce mondial pourraient contribuer à améliorer les perspectives à moyen terme du pays.

L’inflation a continué de ralentir début 2025, tombant à 5,6 % en avril, son plus bas niveau depuis 2021 et se rapprochant des moyennes d’avant la pandémie. L’inflation des prix alimentaires s’établit à 7,3 %, sous l’effet des pressions saisonnières et de l’offre. Face à cette tendance à l’assouplissement, la Banque centrale de Tunisie a abaissé son taux directeur à 7,5 %, marquant ainsi sa première baisse en plus de deux ans.

Le déficit courant de la Tunisie s’est réduit à 1,7 % du PIB en 2024, soutenu par l’amélioration des termes de l’échange et la résilience des recettes touristiques. Parallèlement, la récente augmentation des importations d’énergie et le ralentissement des volumes d’exportation ont creusé le déficit commercial au premier trimestre 2025, posant des défis à la balance extérieure. Sur le plan budgétaire, le déficit a diminué à 5,8 % du PIB en 2024, grâce à la maîtrise des dépenses publiques et à la stabilité des niveaux de subventions.

Le rapport comprend un chapitre spécial consacré à la connectivité commerciale de la Tunisie, soulignant le potentiel économique considérable que représente l’amélioration du système portuaire tunisien. De nouvelles estimations de la Banque mondiale suggèrent que l’amélioration de la connectivité portuaire et la réduction des temps d’arrêt pourraient stimuler le PIB de 4 à 5 % d’ici trois à quatre ans. Atteindre les niveaux de connectivité portuaire de ses pairs régionaux grâce à des améliorations ciblées des infrastructures pourrait générer des gains de 2,6 à 3,5 % du PIB, tandis que la résolution des goulots d’étranglement institutionnels dans les domaines des douanes et de la logistique pourrait générer plus de 1 % de gains supplémentaires.

« La Tunisie continue de faire preuve de résilience dans un contexte mondial et national complexe, a déclaré Alexandre Arrobbio, responsable des opérations de la Banque mondiale pour la TunisieUne meilleure connectivité, notamment grâce à une logistique portuaire améliorée, peut être un puissant moteur de création d’emplois et de croissance économique. »

À plus long terme, positionner la Tunisie comme hub régional du transbordement pourrait générer des bénéfices encore plus importants, de l’ordre de 11 à 14 % du PIB. Le rapport recommande une combinaison de modernisation des infrastructures – telles que de nouveaux terminaux, la modernisation des équipements et l’amélioration de l’accès aux ports – et de réformes institutionnelles, notamment la révision des tarifs portuaires, la modernisation des systèmes numériques et le renforcement de la connectivité ferroviaire-portuaire.