A Dougga : Le petit festival ‘’ Indie’’ et hotspot branché qui fait de l’ombre aux mastodontes

A Dougga : Le petit festival ‘’ Indie’’ et hotspot branché qui fait de l’ombre aux mastodontes
Depuis quelques années le festival International de Dougga a commencé une mue intéressante avec une programmation éclectique et pointue et des dates en avant-saison des festivals d’été en Tunisie. Un choix qui a fini par placer le festival de Dougga dans le giron des rendez-vous artistiques incontournables pour un public jeune, branché et “indie”. Douze jours, onze spectacles, des spectacles sold-out et des milliers de participants au fil de toutes les soirées. Des chiffres qui ont mis la barre un peu plus haute que l’édition de l’année dernière, affirmant ainsi que le succès fracassant du festival. Retour sur les raisons du succès de la 46éme édition du festival International de Dougga ; l’édition des promesses tenues et sans doute de projets encore plus flamboyants.

 

D’abord il y a le site du festival de Dougga. Grandiose. Majestueux. Mystérieux. Thugga est une cité unique qui témoigne de l’intégration de l’Empire romain dans la culture punique et numide. Les vestiges de la cité de Dougga avec le Temple de Junon qui surplombe les plaines fertiles de Teboursouk sur la route de Sicca Veneria (le Kef) sont à couper le souffle. Loin de la frénésie estivale des villes balnéaires, loin du tumulte de la capitale, loin de tout ou presque. Le Nord-Ouest région sinistrée depuis des décennies par la misère et le chômage reste “le grenier de Rome” riche de ses terres, de son histoire, de sa résilience et de sa population. Donc choix difficile mais tellement évident quand on y pense. 

Donc implanter un festival de cette envergure à Dougga est un pari en soi. Mais le public a été au rendez-vous dès la première édition “revisitée”. Le festival a réussi à attirer le public des villes et les bourgs avoisinants de Teboursouk à Béja en passant par Le Kef, Jendouba ou Siliana. Et ceci est un exploit en soi.  

Les sponsors et autres agents culturels ont suivi et on espère plus de soutien financier à Dougga dans les prochaines années. 

Ensuite il y a la direction du festival qui a réussi à assurer une organisation impeccable tant au niveau technique des spectacles que celui de la billetterie, de l’accueil, du transport et de la sécurité des festivaliers.  

Et last but not least; il y a le public, en majorité composé d’une jeunesse sevrée aux valeurs de liberté et de justice et accro à la musique underground et aux offres artistiques “indie” qu’elles soient tunisiennes ou autres. Ce public a trouvé un festival qui lui ressemble donc l’idylle était incontournable. 

 Exploration des sonorités alternatives à Dougga 

Mais tout d’abord parlons un peu de l’organisation impeccable et l'accueil chaleureux qui caractérise les habitants de la région. 

L'expérience commence dès l'arrivée, où les visiteurs sont accueillis avec une hospitalité typiquement tunisienne. Le festival bénéficie d'une planification minutieuse qui facilite le transport et la logistique pour les milliers de participants venus des quatre coins du pays et au-delà. 

La première soirée du festival met en avant des artistes comme Yesser Jeradi et Rola Azar, une artiste palestinienne dont la musique engageante résonne particulièrement avec le public tunisien, exprimant des thèmes de résistance et d'unité. Yesser Jeradi, connu pour sa présence électrique sur scène et ses compositions audacieuses, captive l'audience dès les premières notes. Les rythmes engagés se mêlent aux paroles poignantes de Rola Azar, créant une atmosphère chargée d'émotion et de réflexion. 

L'interaction entre les artistes et le public est au cœur de cette expérience. Les spectateurs, qu'ils soient des habitués du festival ou des nouveaux venus, trouvent une opportunité pour exprimer leur passion et leur soutien aux artistes locaux et internationaux. La jeunesse tunisienne, en particulier, trouve une voix à travers des groupes comme Yuma et Aita Mon Amour, qui apportent une énergie nouvelle à la scène alternative. 

Ces deux derniers ont aussi mis leurs talents à disposition de la scène de l’amphithéâtre de Dougga pour offrir une soirée captivante où la jeunesse s'exprime à travers des mélodies audacieuses et des rythmes envoûtants. 

Cairokee, en ce qui concerne ce groupe, a été le premier spectacle à bouleverser l’équation et à enflammer la scène. Ce concert était très attendu, étant le premier à afficher complet au niveau des ventes de billets. Leur musique se distingue par des paroles à la fois légères, profondes et sarcastiques, sortant de l’ordinaire. 

Chaque performance est méticuleusement intégrée dans un programme fluide qui célèbre non seulement la musique, mais aussi l'esprit de résistance et d'expression artistique. 

Chaque soirée se conclut par une fusion de cultures et de sonorités, renforçant ainsi l'image de Dougga comme un carrefour de diversité musicale et culturelle. Le festival ne se contente pas de divertir, mais il éduque et inspire, créant des liens durables entre les générations et les communautés à travers la musique. 

 

Quand on embrasse les musiques classiques et traditionnelles envoûtantes de Dougga 

Le deuxième volet du Festival international de Dougga célèbre les musiques classiques et traditionnelles, mettant en lumière des artistes comme Mai Farouk, Anouar Brahem, Mounir Troudi et Sami Ladjmi dont les performances captivent et transportent le public dans un voyage musical profondément émotionnel. 

Mai Farouk, avec sa voix d'une pureté envoûtante, transporte les spectateurs dans un monde de poésie et d'émotion. Ses interprétations des classiques arabes et ses compositions originales résonnent dans les anciennes ruines de Dougga, créant une ambiance intime et émotionnelle qui transcende les frontières linguistiques et culturelles. 

Anouar Brahem, quant à lui, maître du oud et explorateur infatigable des possibilités musicales, présente une performance qui marie tradition et innovation. Sa capacité à créer des paysages sonores uniques fait de chaque note un récit, captivant l'imagination de l'audience et la transportant dans un voyage musical sensoriel. 

La région de Dougga, riche en histoire et en culture, offre un cadre naturel magnifique qui enrichit l'expérience musicale. Les spectateurs sont invités à explorer non seulement les performances sur scène, mais aussi à se connecter avec l'environnement naturel et l'histoire ancienne qui entoure ce lieu emblématique. 

Chaque soirée est une célébration de la richesse et de la profondeur de la musique arabe, offrant une occasion unique d'explorer et de savourer des mélodies qui ont traversé les siècles et continué à inspirer des générations entières. 

L'explosion du Rap et de la Pop à Dougga 

Le Festival international de Dougga prend un virage moderne avec une exploration des rythmes effrénés du rap et de la pop. Des artistes comme Mortadha, ALA, et TIF dynamisent l'atmosphère avec leurs performances vibrantes et leurs paroles percutantes, captivant un public jeune et dynamique. 

Mortadha, connu pour ses textes introspectifs et sa présence charismatique sur scène, domine la scène avec une énergie contagieuse qui électrise l'audience. Rythme de pop, ses chansons, souvent ancrées dans la réalité sociale contemporaines, résonnent particulièrement avec la jeunesse tunisienne, offrant une voix puissante à ceux qui cherchent à exprimer leurs défis et leurs espoirs à travers la musique. 

ALA, avec ses influences RAP et sa capacité à fusionner les genres, apporte une touche de diversité à la programmation. Ses performances énergiques et son charisme sur scène captivent les spectateurs et créent une connexion instantanée avec l'audience, transformant chaque concert en une expérience immersive et inoubliable. 

TIF, lui, a donné une performance attendue avec impatience par les fans de rap. Son style unique et son approche innovante de la musique promettent de marquer les esprits et de laisser une empreinte durable sur le festival. 

Le festival de Dougga ne s’est pas contenté pas de présenter des performances musicales, mais il a offert également un espace pour la discussion et la réflexion sur l'impact culturel et social de la musique populaire. Des discussions se sont déroulées à la fin de chaque spectacle entre les participants venant de toutes les régions sur le chemin vers le parking autour de l'évolution du rap et de la pop en Tunisie mais aussi autour de la musique en général et dans le monde arabe. 

Pour conclure, on peut dire que chaque édition du Festival international de Dougga est une célébration vibrante de la musique dans toute sa diversité, offrant une expérience culturelle et artistique enrichissante pour tous les participants. Au-delà de la musique, c'est aussi une célébration de la communauté, de l'innovation et de la créativité qui définit l'esprit dynamique et contemporain de sa direction et de son public.

Par Dhouha Ben Mustapha