Jeunesse perdue…

Jeunesse perdue…

Une majorité de jeunes tunisiens souffrent de frustrations diverses et variées. Il y a la frustration économique qui les oblige à tendre la main chaque matin pour demander à leurs parents de petites sommes afin de parer aux dépenses de la vie courante.


 Il y a la frustration sociale avec un manque de considération due au chômage et à la précarité qu’ils vivent de puis tant d’années. Il y a la frustration sexuelle, puisqu’ils n’ont pas les moyens de se marier et d’avoir des enfants.


Il y a ces heures passées à chercher un travail, avec des centaines de demandes d’emploi et de photocopies de leurs diplômes, mais qui ne recevront jamais de réponse. Il y a aussi la frustration  politique, culturelle, intellectuelle, émotionnelle, en plus de l’incertitude face à l’avenir et le sentiment poignant d’avoir vécu pour rien.


Cette situation ne date pas d’hier, elle est le résultat de plusieurs années de politique économique qui ne voit pas plus loin que le bout de son intérêt immédiat, instantané. L’ancien régime a détérioré la qualité de l’enseignement, distribué des diplômes par milliers, sans créer d’emplois. Il a ainsi créé une génération de diplômés sans espérances et sans perspectives…


Puis la révolution est arrivée, créant des espoirs nouveaux chez les jeunes qui l’ont portée à bout de bras, avant qu’une foule de nouveaux profiteurs ne vienne détruire leurs rêves…

Alors certains ont sombré dans la dépression, d’autres sont partis se faire tuer en Syrie au nom d’un Jihad auquel ils ne comprenaient rien. D’ailleurs selon une enquête réalisée par la Banque Mondiale, près de 40% de ceux qui rejoignent les mouvements rebelles et terroristes sont poussés par le chômage et la précarité.


Il y a eu aussi ces centaines de désespérés qui se sont jetés dans la mer sur ces embarcations de la mort, à la recherche d’un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée. Des promesses de richesse qui se sont révélées sans fondement et ils se sont retrouvés emprisonnés dans des camps, encore plus pitoyables, loin de leur famille et de leurs rêves…


Tous ces jeunes sont des victimes non déclarées de l’ancien régime puis de la révolution. Ils ne sont pas recensés dans les statistiques officielles comme étant des laissés pour compte alors qu’ils devraient bénéficier de plus de sollicitude. On ne voit que leur côté nonchalant, on ne remarque que le fait qu’ils soient assis au café matin et soir, à jouer aux cartes ou à refaire le monde avec leurs semblables.


Depuis la chute de Ben Ali, la Tunisie s’est enfoncée dans la récession et la pauvreté, perdant en moyenne 30 000 emplois par mois. Elle ne cesse de s’enfoncer dans une crise de l’emploi, qui est la conséquence directe de l'absence de vision à long terme de ses  décideurs...


Cette jeunesse désœuvrée est donc une bombe à retardement qui peut exploser à n’importe quel moment. Il est urgent d’agir avant que de nouveaux mouvements de révolte ne viennent secouer une Tunisie exsangue, ruinée par l’incapacité de ses dirigeants à gérer le pays, les malversations et les trafics en tous genres…