Concilier l’inconciliable…

Concilier l’inconciliable…

Un mal profond ronge notre pays depuis longtemps. C’est la difficile conciliation entre ses deux pôles politiques : celui de l’ouverture sur le monde et celui de l’obstruction totale, qui tente d’appliquer des règles rigides à une société moderne et à une jeunesse qui tente de trouver une place au soleil au milieu de cette cacophonie orchestrée par ses aînés.


Une petite partie de ces Tunisiens est conservatrice, identitaire, traditionaliste, triste même, avec une vision figée du monde, allant jusqu’à refuser toute forme de modernité. Ce sont des citoyens fermés à tout ce qui ne leur ressemble pas, toujours en colère, aigris et portant une haine sourde contre l’autre moitié. Cette catégorie de tunisiens existe depuis longtemps, mais elle ne s’est déclarée qu’après la chute de la dictature, montrant son vrai visage au grand jour. Elle s’est révélée rancunière, vindicative et elle tente de châtier ou d’humilier les gens qu’elle croit responsables de ses malheurs passés, le tout sur fond de machisme brutal.

L’autre moitié, c’est une Tunisie moderniste, joyeuse, bonne vivante, émancipée des diktats de la religion, se contentant d’en appliquer le minimum nécessaire. Ceux qui appartiennent à cette catégorie sont cultivés, ouverts sur le monde et souvent francophones. Ils sont adeptes de courtoisie, de tact et de politesse avec les femmes. Ils vont au cinéma et au théâtre, ils se soucient d’écologie et suivent les innovations technologiques avec assiduité…

Nous vivons ainsi un dédoublement de personnalité, une schizophrénie qui met côte à côte une vision avant-gardiste et une société patriarcale, misogyne et machiste. Prenons l’exemple de la question des droits des femmes : nous avons des lois liberticides et même moyenâgeuses, comme celle qui punit les couples adultérins de cinq ans de prison ferme. Et certains voudraient appliquer la lapidation…

Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous sommes sur le même bateau et si on bascule d’un côté ou de l’autre, trop à droite ou trop à gauche, on risque de renverser le bateau et de couler tous ensemble. Il est donc dans notre intérêt à maintenir cet équilibre fragile en acceptant l’autre, tout en restant vigilants pour éviter toutes les formes d’excès.

Le plus navrant, c’est ce qui se passe sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, on s'insulte, on se déchire, on ment en toute impunité. Quoiqu’en dise son créateur Mark Zuckerberg, ce média est ouvert à tous et surtout à n’importe quel détraqué, obsédé, schizophrène, halluciné, la liste est longue… Il est utilisé pour dénigrer, insulter, publier de fausses informations, en dehors de tout contrôle.

Même si on partage des images banales de chatons tout mignons, on va dire que l’on manque de tendresse et d’amour. Et si c’est une opinion politique, on va s'insulter, sortir de vieilles archives publiées il y a de longues années. En fait, les tunisiens sont passés de la servilité sous la dictature, à la contestation anarchique, sans passer par la case de l’analyse sereine. Ils ont fait jaillir la haine profonde qui sommeillait dans leur esprit et qui se traduit par les insultes et le dénigrement.

Or ce dont ce pays a besoin, c’est de réflexion paisible, de conciliation et d’acceptation de l’autre, avec ses différences, pour pouvoir avancer ensemble. Autant concilier l’inconciliable…